Bonjour,
Je reçois beaucoup de questions sur le métier d'écrivain. L'autre jour, une lectrice de 14 ans, lors d'une séance de signatures, m'a montré un classeur avec ses poèmes en me disant qu'elle voulait devenir écrivain. Il faut beaucoup de courage et de désir pour montrer ses textes à une parfaite inconnue. C'est en pensant à elle et à tous ceux qui se posent les mêmes questions que je reprends en partie une réponse faite à Olivia qui, je l'espère, ne m'en tiendra pas rigueur.
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Le métier d'écrivain. Voilà un sujet qui me tient particulièrement à cœur.
Tout d'abord, en est-ce un?
Si un métier est ce qui nous permet de gagner notre vie, il faut répondre "non". Seulement 40 écrivains en France vivent de leur plume. C'est très peu si l'on sait qu'à la rentrée 2009, 430 romans français étaient annoncés —et cela n'inclut pas la littérature jeunesse!—.
L'écrivain n'est pas payé pour son travail. Il est payé en droits d'auteur, c'est à dire qu'il gagne un pourcentage qui varie généralement de 5 à 10% sur le prix de vente du livre en librairie. L'écrivain n'est pas non plus intermittent du spectacle, il n'est pas dédommagé pour le temps passé à la création de son livre. Qu'il passe 10 jours ou 10 ans à écrire un livre, c'est pareil, puisque son travail n'est pas rémunéré. En gros, il ne s'en sort que s'il vend BEAUCOUP de livres. Un drôle de système. Enfin, drôle n'est pas le mot…
Alors, bien sûr, je comprends ce que veulent dire les adultes qui découseillent à leurs enfants de choisir ces "métiers impossibles": écrire, dessiner. Ils n'apportent aucune certitude de succès —mais n'est ce pas vrai de tous les choix?— ni de revenus.
La plupart des écrivains ont donc un autre métier qui leur permet de gagner leur vie. Ils sont journalistes, ou traducteurs, instituteurs, professeurs et bien d'autres encore…
Bernard Lahire, chercheur au CNRS, a consacré à ce sujet une étude formidable: "La condition littéraire - La double vie de l'écrivain" (Editions La Découverte). Il y dresse un portrait très complet de cette réalité.
Il écrit: "Les écrivains sont les maillons les plus faibles de la chaîne que forment les "professionnels du livre". A la différence des ouvriers, des médecins, des chercheurs ou des patrons, qui passent tout leur temps de travail dans un seul univers professionnel et tirent l'essentiel de leurs revenus de ce travail, la grande majorité des écrivains vivent une situation de double vie: contraints de cummuler activité littéraire et "second métier", ils alternent en permanence temps de l'écriture et temps des activités extra-littéraires rémunératrices".
Si l'on y ajoute une vie de famille et le fait que les enfants sont majoritairement à charge des femmes dans un couple, on arrive à un autre constat: les écrivains sont majoritairement des hommes (68,2%)
Tout ça n'est pas très encourageant.
Oui, c'est la réalité, et la raison veut que l'on dise aux apprentis écrivains ou peintres: être écrivain ou peintre n'est pas réalisable, c'est un métier impossible.
Pourtant les écrivains existent ! Chacun aurait certainement une histoire différente à te raconter et chacune serait source d'idées et d'exemples. Je vais vous raconter la mienne:
A 16 ans, au moment de faire des choix professionnels , je savais déjà que je voulais écrire. Et bien évidemmeny, on me disait que je n'en vivrais pas. En outre, il n'y a pas d'école d'écrivains. Si on veut devenir peintre, il y a les Beaux-Arts, si l'on veut être comédien, il y a des écoles et des cours de théâtre à foison, pour les danseurs aussi… Mais pour les écrivains, il n'y a rien. On n'apprend pas à écrire dans une fac de lettres. A analyser, critiquer, connaître la littérature oui, mais pas à écrire. C'est un peu pour ça que j'ai créé les Nomades de l'Écriture parce que j'aurais adoré aller dans une école ou une fac où l'on m'aide à apprendre mon métier. Parce que je ne partage absolumment pas l'avis de ceux qui disent qu'écrire ne s'apprend pas. Mais ça, c'est le sujet d'un autre article…
Bref, j'ai donc choisi un métier qui semblait se rapprocher le plus de l'écriture et correspondre à mon tempérament. J'ai fait une fac de journalisme et une fac d'histoire. Munies de ces deux diplômes, j'ai commencé à travailler dès ma sortie de l'université et, un peu plus tard, j'ai découvert un second métier: traductrice.
Pendant longtemps, je travaillais tout le temps et ce n'était pas toujours facile mais je payais mes factures. Le journalisme et la traduction m'ont effectivement permis de gagner ma vie et ce n'est pas rien !
Pendant toutes cex années, je continuais d'écrire. J'écrivais dans les marges de ma vie: la nuit, les week-ends, pendant les vacances… Je grignotais du temps dans le bus, dans le métro… J'écrivais sur les miettes de temps que me laissait la fameuse réalité.
Quand j'ai publié mon premier livre au Brésil, en 1998, j'avais des milliers d'heures d'écriture derrière moi, et des douzaines de textes dans mon ordinateur. D'autres livres ont suivi, un tous les 3 ans, toujours écrit sur les miettes de temps. Je ne pouvais pas m'atteler à des projets plus complexes. Je ne pouvais pas, par exemple, m'attaquer aux Eveilleurs, seulement prendre des notes.
Le problème, c'est que le temps passait. Le temps passait et la pression interne était de plus en plus douloureuse. Je voulais consacrer plus de temps à l'écriture. Je voulais lui faire quitter les marges et la mettre au cœur de ma vie, qui était sa place. Un sentiment profond d'insatisfaction me taraudait en permanence. Mais comment faire?
La réponse est arrivée sous forme d'un grand chambardement —les grands chambardements sont souvent fructueux!—.
J'ai pris un virage, quitté Paris pour suivre mon compagnon dans le sud et je me suis retrouvée au chômage.
J'avais 18 mois d'indemnités. J'ai décidé de les passer à écrire.
Et tant qu'à faire, de les consacrer à un projet "impossible", irréalisable et déraisonnable: celui des Eveilleurs.
Ensuite, la chance s'en est mêlée et le projet a trouvé un éditeur. Je me suis consacrée à l'écriture du tome 1. Ecrire à temps complet ! Mon rêve…
Le livre que vous avez lu est le fruit de deux ans de travail incessant. Et de bonheur.
La réalité n'ayant pas disparu pour autant, si les lecteurs continuent au rendez-vous, je pourrais poursuivre, sinon… on verra.
Je voulais donc dire ceci: si vous voulez écrire ou dessiner, si cela vous hante, vous poursuit, si cela peuple vos nuits, vos rêves et vos désirs, vous le ferez. Quitte à faire autre chose pour gagner votre vie.
Et si ce blog peut vous y aider, alors tant mieux !
BON DEBUT DE TEMPS VERT !
Pauline Alphen
Margaux BALTUS 30/11/2012 14:08
Pauline Alphen 21/12/2012 21:18
Olivia 10/05/2010 21:11
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Olivia 03/05/2010 21:08
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Pauline Alphen 03/05/2010 00:27
Olivia 25/04/2010 22:14
Pauline Alphen 02/05/2010 01:15